Shirin Ebadi : « L’arrestation d’un responsable iranien en Suède doit permettre de faire la lumière sur les crimes contre l’humanité commis par le régime »

Prix Nobel de la paix en 2003, l’avocate et militante iranienne appelle, dans une tribune au « Monde », tous les responsables et toutes les instances concernés par la défense des droits humains à intéresser l’opinion publique au cas d’un responsable d’exécutions massives détenu à Stockholm.

Pour la première fois depuis l’instauration de la République islamique d’Iran (1979), l’un des responsables iraniens impliqués dans des crimes contre l’humanité est détenu dans l’attente d’une éventuelle mise en accusation, qui pourrait intervenir d’ici au 8 janvier 2020.

Arrêté le 9 novembre à Stockholm par les autorités suédoises, actuellement en détention provisoire, Hamid Noury, 58 ans, avait un poste à responsabilité dans la prison de Gohardasht (l’actuelle prison de Rajai Shahr, au nord de Téhéran) lorsque, sur ordre de l’ayatollah Khomeiny, plusieurs milliers de prisonniers politiques furent exécutés, de manière sommaire et expéditive, pendant « l’été noir » de 1988.

Selon les preuves réunies par des militantes iraniennes des droits humains, Hamid Noury officiait alors comme procureur à la prison de Gohardasht et aurait joué un rôle actif dans ces exécutions. De nombreux anciens prisonniers et des familles de victimes ont porté plainte contre lui.

En 1988, presque 4 000 détenus politiques, préalablement condamnés à des peines d’emprisonnement, ont été exécutés, entre juillet et septembre, par une commission connue sous le nom de la « commission de mort » en vertu d’une fatwa (édit religieux), émise par l’ayatollah Khomeiny. Cette commission à Téhéran a été dirigée notamment par Ebrahim Raïssi, actuel chef du système judiciaire iranien et Mostafa Pourmohammadi, ancien ministre de l’intérieur et des renseignements. A Téhéran, comme dans tout le pays, où des commissions similaires ont siégé, des fonctionnaires ont multiplié les condamnations à mort, lors d’interrogatoires ne durant parfois que quelques minutes.

L’ayatollah Hossein Ali Montazeri, ancien dauphin de Khomeiny, avait été écarté du pouvoir en mars 1989 pour avoir publiquement fait part de sa désapprobation sur ces exécutions, qu’il qualifiait de « crime le plus horrible commis sous la République islamique ». Il avait également interpellé les membres de la commission : « C’est vous, messieurs, qui avez commis ce crime et vos noms resteront dans l’histoire en tant que criminels. »

Le Monde 17.12.2019